Aujourd’hui, seulement 37 % des lycéennes envisagent de s’engager dans une carrière scientifique. Résultat : les femmes sont peu présentes dans les STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) et ne représentent que 17 % des diplômés dans le secteur de la tech française. Pourquoi sont-elles si peu nombreuses ?
Des femmes longtemps invisibilisées
L’histoire de l’informatique est révélatrice. Très présentes aux premières heures de l’informatique et jusque dans les années 70, les femmes ont peu à peu disparu du secteur. « Pionnières dans le développement des premiers logiciels, elles sont restées longtemps invisibles. Et le phénomène se répète encore aujourd’hui dans les carrières scientifiques. Combien de gens savent qu’une femme est à l’origine du développement du vaccin contre la Covid ? Le nom de Katalin Karikó est aujourd’hui encore trop peu connu » constate Claudine Schmuck, fondatrice de Global Contact, qui publie depuis 2009 une étude de référence sur les femmes dans les sciences et technologies.
Et peu représentées
Rendre les femmes plus visibles n’est pas chose aisée. Sensible à la question, le magazine de vulgarisation Epsiloon peine parfois à les mettre à l’honneur. « Quand on fait une recherche iconographique pour trouver une image de laboratoire des années 50 ou 80, on trouve systématiquement des photos avec des hommes », observe Muriel Valin, rédactrice en chef adjointe du magazine. « De la même façon, quand on cherche des citations de chercheurs, on trouve systématiquement des citations d’hommes », poursuit-elle. Cette sous-représentation des femmes se retrouve également au cinéma, dans les séries mais aussi dans l’enseignement, où les étudiants rencontrent peu de noms de femmes à part celui de Marie Curie.
Il faut sortir de la starification
Pour restaurer la visibilité des femmes scientifiques, faut-il pour autant imposer des modèles de superhéroïnes en blouse blanche ? « Il faut élargir l’idée du rôle modèle, c’est-à-dire mettre en lumière des modèles de tous les niveaux, de la superhéroïne à la technicienne », insiste Claudine Schmuck. Convaincue qu’il « faut inscrire la femme scientifique dans la normalité », elle a créé Science Factor, un concours grâce auquel les jeunes, et en particulier les filles, rencontrent des techniciennes et des chercheuses. En racontant leur parcours, en expliquant leur métier et en partageant leur passion, ces femmes donnent envie aux jeunes filles de se lancer dans une carrière scientifique. Pour Cécile Prévieu, Directrice Générale Adjointe d’ENGIE en charge des activités Infrastructures, « il faut démystifier le parcours scientifique pour donner aux femmes une plus large palette d’opportunités de métiers », dit-elle.
Inciter les femmes à rejoindre les carrières scientifiques
En adoptant une politique volontariste en faveur de la mixité professionnelle, les entreprises peuvent faire progresser les femmes dans les métiers techniques. Ainsi, en 2019, ENGIE a créé le programme Fifty-Fifty, avec l’objectif d’atteindre une proportion de 40% à 60% de femmes managers et cadres pour 2030. « Nous sommes passé de 20 % de femmes managers en 2019 à 30 % aujourd’hui », précise Cécile Prévieu. Il faut dire que le recrutement est difficile en raison du peu de femmes qui choisissent un parcours dans les STEM. Celles-ci ne représentent que 28 % des étudiants en écoles d’ingénieurs. Et cela s’explique.
Encourager les filles à choisir des filières scientifiques
Selon l’enquête Gender Scan réalisée par Global Contact en 2021 auprès de 2 000 étudiants ingénieurs, 40 % des étudiantes en écoles d’ingénieurs ont été dissuadées de faire des études scientifiques, que ce soit par leurs enseignants ou leur famille. Pour lutter contre les stéréotypes qui mettent à mal la confiance des lycéennes et leur font croire qu’elles sont trop sensibles ou qu’elles n’ont pas le niveau, « il faut s’adresser à la fois aux filles, mais aussi aux enseignants et aux parents qui sont les deux principaux prescripteurs négatifs », considère Claudine Schmuck. Les encouragements sont d’autant plus nécessaires que certaines filières manquent cruellement de filles. « S’il y a plus de 50 % de filles dans les filières SVT en terminale, il n’y a que 1,5 % des lycéennes qui choisissent les filières de l’ingénieur. C’est hallucinant ! », relève Claudine Schmuck.
Les sensibiliser dès le plus jeune âge
L’enjeu est donc de rendre les STIM plus attractives, et ce dès le plus jeune âge. Dans cette optique, une grande campagne d’information va être lancée en 2023 à l’initiative de la Première ministre Elisabeth Borne. « Nous travaillons en partenariat avec le ministère de l’égalité femmes-hommes et le ministère du numérique pour implémenter une campagne innovante qui va mettre en lumière des rôles modèles de tous les niveaux. Elle s’adressera dans un premier temps à 100 000 adolescents et impliquera aussi les enseignants ». Pour mieux faire connaître les métiers techniques et susciter des vocations, ENGIE a créé un réseau de 400 ambassadeurs de techniciennes et de techniciens volontaires et engagés sur le terrain qui œuvrent pour faire rayonner leurs métiers et la filière technique avec passion pour attirer de nouveaux talents en se rendant dans les écoles et en participant à des forums métiers. « Ce travail est très axé sur les filles pour avoir davantage de femmes demain dans les recrutements », précise Cécile Prévieu.
Les jeunes générations peuvent changer la donne
S’il y a urgence à encourager les femmes à se lancer dans les STIM, il y a aussi une vraie note d’espoir. « Dans la nouvelle génération, beaucoup de filles s’intéressent aux questions environnementales et ont envie d’agir. Leur engagement peut faire tomber les barrières et les inciter à choisir les carrières d’ingénieur », espère Muriel Valin. D’ailleurs, « les choses sont en train de changer dans le domaine de l’énergie et de la durabilité, où l’on compte désormais de plus en plus de femmes », conclut Claudine Schmuck.